Pour le leader du marché du photovoltaïque en Suisse romande, les affaires ont bien tourné ces dernières années. Avec la crise énergétique qui menaçait de plonger la Suisse dans un black-out à la tombée de l’hiver fin 2022, la production photovoltaïque a connu un essor sans précédent (+50% en 2023). Mais le succès de Solstis, pionnier de l’énergie solaire qui emploie aujourd’hui 100 personnes entre son site principal à Lausanne et ses succursales à Genève et à La Chaux-de-Fonds, a commencé bien plus tôt.
Dès 2009, la Confédération a commencé à subventionner les installations solaires. «Les commandes ont démarré au compte-gouttes. Puis la catastrophe de Fukushima en 2011 a donné une première impulsion aux installateurs de photovoltaïque», se souvient Pascal Affolter, cofondateur de l’entreprise.
En outre, la chute spectaculaire des prix de fabrication des modules solaires (-90% entre 2009 et 2023 au niveau mondial) a aussi largement contribué à rendre le marché attractif. Cette baisse des prix s’explique notamment par l’industrialisation massive de la fabrication des composants. Conséquence: l’écrasante majorité (environ 80%) de la production se situe en Chine.
Solstis ne fait pas exception. «Aujourd’hui, l’installation des modules solaires coûte en général plus cher que la fabrication. La quasi-totalité des composants sont de fabrication chinoise. En Europe, les usines sont essentiellement dédiées à l’assemblage des modules.» Sur les grands projets techniquement complexes, Solstis continue de travailler avec deux fournisseurs européens: 3S, dont le site de production se trouve à Thoune (BE), et Megasol, qui dispose d’une unité en Lituanie.
Une notoriété de longue date
La petite société vaudoise a débuté en 1996 en tant que spin-off de l’EPFL. Ses deux fondateurs, Pascal Affolter, ingénieur électricien, et Jacques Bonvin, physicien (disparu en janvier 2025), travaillaient sur l’intégration des panneaux solaires dès la phase de construction. «A l’époque, le photovoltaïque en était à ses débuts. L’intégration des modules à la construction du bâtiment était un marché de niche et nous faisions partie des rares spécialistes du domaine. Au milieu des années 2000, nous avons commencé à former des entreprises françaises. Aujourd’hui, tous les pays d’Europe disposent de prestataires spécialisés dans ce domaine.» Mais ce savoir-faire continue de faire la renommée de l’entreprise dans sa région d’origine, où elle a recentré ses activités. L’entreprise a d’ailleurs remporté le Prix solaire suisse à neuf reprises, dont trois ces six dernières années: la toiture en marquises d’un parking des Transports publics genevois en 2022, celle du nouveau siège du Comité international olympique en 2020 et le Silo Bleu à Renens (VD) en 2019. Actuellement, l’entreprise travaille notamment sur le nouveau restaurant de Glacier 3000 aux Diablerets (VD).
Un marché en croissance
La production d’énergie solaire a fortement progressé ces dernières décennies. En Suisse, elle est passée de 94 GWh en 2010 à 4624 GWh en 2023. Mais, en 2024, le secteur a subi un premier revers avec la chute des fameux «prix de reprise», le tarif auquel les fournisseurs d’électricité rachètent le surplus de production.
Le prix de rachat par kWh oscille désormais entre 8 et 10 centimes alors qu’il a pu atteindre 18,6 centimes en 2023, selon les chiffres de Romande Energie. «Ce genre de fluctuations entraîne une certaine méfiance. Certains particuliers hésitent à investir des dizaines de milliers de francs dans des installations solaires», constate Pascal Affolter.
Selon la consultante Laure-Emmanuelle Perret, fondatrice du bureau de conseil en énergie solaire LMNT, «le succès du photovoltaïque ces dernières années a favorisé l’apparition de nouveaux acteurs dont le niveau de compétence technique dans le solaire varie passablement. Les entreprises réputées de longue date qui bénéficient d’une réputation bien en place auront plus de chances de traverser la conjoncture actuelle.»
Aujourd’hui, la majorité de la clientèle s’équipe des deux dispositifs: production et stockage.
Pascal Affolter, cofondateur de Solstis
Panneaux en baisse mais batteries en hausse
Malgré les secousses qui ébranlent le secteur actuellement, Pascal Affolter estime que l’horizon reste bien dégagé. Les activités de maintenance notamment assurent une certaine stabilité à la société. A moyen terme, l’activité d’installation devrait aussi être soutenue par l’arrivée de dispositifs de stockage de plus en plus performants, dont l’attrait a été renforcé par la baisse des prix de reprise. «Aujourd’hui, la majorité de la clientèle s’équipe des deux dispositifs: production et stockage.»
A plus long terme, après l’acceptation de la loi sur l’approvisionnement en électricité le 9 juin 2024 (68,7% de oui), la pose de panneaux solaires devrait rebondir. «Nous comptons notamment sur les communautés électriques locales, qui consistent à réorganiser la distribution d’électricité photovoltaïque à l’échelle d’un quartier», explique le cofondateur.
Autre défi: la pénurie de main-d’œuvre a mis les installateurs du photovoltaïque sous pression ces dernières années. «Il est d’autant plus compliqué de recruter dans le secteur du solaire que les employés n’ont pas été formés spécifiquement à la pose de panneaux. Les entreprises doivent investir dans la formation de leurs employés», dit Laure-Emmanuelle Perret.
Mais cela pourrait bien changer. L’année 2024 a également coïncidé avec le lancement de la formation CFC d’installateur ou installatrice de panneaux solaires. Après avoir participé à l’élaboration du projet d’apprentissage, Solstis a embauché deux apprentis parmi la cinquantaine qui ont choisi cette voie en Suisse romande cette année.